Le coronavirus et la suspension des emprunts des particuliers

 In Droit commercial, du crédit et de la consommation

Suspension des emprunts des particuliers : nos conseils.

En dépit des mesures prises par l’Etat pour soutenir les entreprises pendant le confinement mis en place pour lutter contre la propagation de Coronavirus, beaucoup de particuliers se trouvent / vont se trouver en difficulté pour rembourser les échéances mensuelles de leurs emprunts les poussant à envisager une suspension.

En effet,

 

  • Dès aujourd’hui, de nombreux artisans, commerçants ou libéraux ont une activité réduite à néant et n’en retirent plus de revenus,
  • Demain, des salariés risquent de connaitre une baisse sensible de revenus, liée à la perte de leur emploi ou de primes notamment.

Tous les emprunteurs ne sont pas assurés contre le risque chômage, l’assurance emprunteur ne protège que les salariés et aucune assurance ne garantit la perte de rémunération sans licenciement (notamment la perte de primes ou la réduction des heures travaillées).

Cette situation nous conduit à vous proposer un focus sur la suspension du remboursement des emprunts contractés par les particuliers.

 

A – LA SUSPENSION CONVENTIONNELLE

La plupart des crédits immobiliers comportent des clauses de modulation et de report d’échéance :

 

  • La clause de modulation permet de faire varier (en l’occurrence en la diminuant), le montant de l’échéance mensuelle dans une certaine limite (en pratique de 10 à 30 %) et une certaine durée (en pratique, 02 ans maximum). A l’issue de la période de modulation, l’emprunteur reprend le remboursement de l’échéance avec modulation tandis que la durée de l’emprunt et prolongée pour couvrir les sommes non réglées pendant la période de modulation.

 

  • La clause de suspension permet, en général, au bout de deux ans de remboursement et pour une durée ne dépassant pas 01 an, de ne régler que la prime d’assurance et éventuellement les intérêts sur le capital restant dû. La durée du prêt est prolongée à concurrence de la durée de suspension.

La mise en œuvre de ses clauses exigent l’accord du banquier, elle ne génère pas de frais de dossier mais sont couteuses à l’usage puisque les intérêts continuent de courir.

 

B – LA SUSPENSION JUDICIAIRE

Les articles 1343-5 du Code civil et L. 314-20 du Code de la consommation permettent de saisir le Tribunal Judiciaire Pôle Protection afin d’obtenir une suspension du remboursement de l’emprunt pour une durée maximum de 24 mois avec plafonnement des intérêts au taux légal (0 ,87 % / an actuellement).

Outre la suspension de remboursement des mensualités d’emprunt, les majorations d’intérêts ou les pénalités cessent d’être dues et les procédures d’exécution (saisies) éventuellement engagées par la banque sont suspendues. En revanche, les mensualités relatives aux assurances prises dans le cadre du contrat de prêt sont maintenues.

La suspension judiciaire peut bénéficier aux personnes physiques et aux sociétés civiles immobilières sous conditions.

La demande doit être présentée au Tribunal sous la forme d’une assignation en référé, ce qui permet d’obtenir une audience sous quelques semaines et une décision dans un délai de 06 à 08 semaines.

Exemple, pour un particulier ayant emprunté 200.000,00 € sur 20 ans pour l’acquisition de sa résidence principale en 2015 au taux de 01,60 % / an avec une assurance de 0,20 % / an sur le capital emprunté (TAEG de 1,97 %)

Entre juin 2020 et juin 2022, l’emprunteur devrait rembourser 25.624,00 € dont 5.380,00 € d’intérêts et 800,00 € d’assurance,

Sur la même période, dans le cadre d’un report des échéances accordé par la banque en continuant à régler les intérêts conventionnels (en supposant que la banque accepte un délai de 02 ans), l’emprunteur devra rembourser 5.663,00 € dont 4.863,00 € d’intérêts et 800,00 € d’assurance,

Sur la même période, en cas de suspension judiciaire du remboursement du crédit avec application du taux légal, l’emprunteur devra rembourser 3.430,00 € dont 2.630,00 € d’intérêts et 800,00 € d’assurance.

 

C – NOTRE CONSEIL

 

1 – Je n’ai pas encore d’impayés

Dans un premier temps, il faut prendre contact avec le banquier et rechercher une solution négociée.

Dans un second temps, en cas de refus ou de non réponse du banquier pendant 02-03 semaines, il faut prendre contact avec un Avocat pour étudier les solutions envisageables : le Cabinet Avocatlantic peut négocier avec votre banquier ou vous assister dans le cadre d’une demande de suspension judiciaire de remboursement.

 

2 – J’ai déjà des impayés

En cas de non règlement d’une échéance d’emprunt, la banque va successivement adresser une lettre simple et un courrier recommandé à l’emprunteur.

Le risque pour l’emprunteur est d’entrer dans une spirale d’endettement : dès que des sommes sont versées sur le compte, la banque prélève en une ou plusieurs fois l’échéance de crédit, ce qui occasionne des impayés pour d’autres créanciers (loyer, eau, impôts) … et des frais de rejets conséquents facturés par la banque.

Il est alors prudent d’ouvrir un compte bancaire dans un autre établissement, d’y faire virer son salaire, de mettre en place un prélèvement des charges courantes sur ce compte et d’effectuer un virement mensuel sur l’ancien compte pour couvrir les échéances de l’emprunt : cette solution permet de limiter le nombre de débiteurs impayés et donc de faciliter le traitement du passif.

En cas d’impayé persistant, la banque va prononcer la déchéance du terme et d’inscrire l’emprunteur dans le fichier des incidents de paiement de la banque de France.

A ce dernier stade, la situation devient problématique puisque :

 

  • La déchéance du terme oblige l’emprunteur à rembourser le solde du capital emprunté, avec des pénalités tandis que les intérêts continuent de courir,
  • L’assurance emprunteur est résiliée,
  • Le fichage auprès de la banque de France rend difficile l’obtention d’un nouveau crédit pour restructurer celui échu et non réglé,
  • La suspension du remboursement de l’emprunt ne peut plus être demandée au Tribunal.

En conclusion, plusieurs solutions permettent d’éviter la situation décrite ci-dessus et le conseil d’un Avocat s’avère déterminant dans la stratégie à adopter.

Etienne BOITTIN et Charlotte MAZY

 

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