Rodéo motorisé

 In Droit routier

Le rodéo motorisé, dit « cross bitume » ou « rodéo sauvage ».

Le rodéo motorisé, dit « cross bitume » ou bien « rodéo sauvage », est une pratique d’origine américaine qui consiste à effectuer diverses figures acrobatiques à l’aide d’un véhicule, généralement une moto ou un quad.

Au cours de la dernière décennie, la pratique du rodéo motorisé s’est développée en France. Des dérives ont été constatées sur des voies ouvertes à la circulation, tant en ville qu’en campagne.

Le législateur s’est donc saisi de cette question, dans le but de préserver la sécurité et la tranquillité publiques.

 

L’infraction de rodéo motorisée

La loi n°2018-701 du 3 Août 2018 a introduit dans le code la route, un chapitre 6 intitulé «  comportements compromettant délibérément la sécurité ou la tranquillité des usagers de la route » et créé trois nouveaux articles (L.236-1 à L.236-3).

 

L’article L.236-1 du code de la route dispose :

I.-Le fait d’adopter, au moyen d’un véhicule terrestre à moteur, une conduite répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d’obligations particulières de sécurité ou de prudence prévues par les dispositions législatives et réglementaires du présent code dans des conditions qui compromettent la sécurité des usagers de la route ou qui troublent la tranquillité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

 

Le législateur a ainsi souhaité sanctionner la répétition de manœuvres dangereuses, élément déterminant dans la caractérisation de l’infraction. L’unique figure acrobatique avec un véhicule sur une voie publique ne suffit pas à caractériser un rodéo motorisé. Les manœuvres dangereuses et contraires au code de la route effectuées par le conducteur doivent être reproduites à plusieurs reprises par celui-ci.

Par ailleurs, l’infraction doit être intentionnelle. Concrètement, les manœuvres contraires à la loi effectuées par le conducteur doivent l’être de façon volontaire. Celui-ci doit avoir agi de façon libre et délibérée. A défaut, l’infraction de rodéo motorisé n’est pas caractérisée.

Toutefois, un dommage n’est pas nécessaire pour caractériser l’infraction. Ainsi le simple fait d’adopter une conduite dangereuse et contraire au code de route, correspondant à celle du rodéo motorisé, sans détérioration de biens et sans blesser autrui, n’empêche pas des poursuites pénales.

 

Les peines encourues pour l’infraction de rodéo motorisé

L’infraction dite de rodéo motorisée peut être sanctionnée d’une peine allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

Le quantum de la peine augmente en fonction des conditions dans lesquelles l’infraction a été commise :

  • 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende si les faits sont commis à plusieurs
  • 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende si le conducteur a consommé des stupéfiants / de l’alcool ou bien que celui-ci n’est pas titulaire d’un permis de conduire valide.
  • 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de cumul des circonstances énoncées précédemment

A ces peines s’ajoutent des sanctions complémentaires :

  • l’annulation du permis de conduire
  • la peine de travail d’intérêt général
  • la peine de jours-amende
  • l’interdiction de conduire des véhicules terrestres à moteur
  • l’obligation d’effectuer un stage de sensibilisation à la sécurité routière
  • la confiscation du véhicule

En pratique, le véhicule impliqué dans le rodéo motorisé est placé quasi systématiquement en fourrière après la constatation de l’infraction par les forces de l’ordre. Très concrètement, au moment de l’audience devant le tribunal, le véhicule est souvent en fourrière depuis plusieurs mois.

Regard critique

La volonté initiale du législateur pouvait paraître légitime. Protéger la sécurité publique, tant des usagers de la route que celle des piétons, est assurément une bonne chose.

Toutefois, plutôt que de sanctionner, il aurait été préférable d’encadrer une pratique en plein essor. Les risques encourus par autrui sont notamment issus d’une absence de zone dédiée et délimitée pour les usagers de ce sport.

Le tout répressif ne fonctionne pas et rappelons-nous qu’en 1979 a été créé le circuit Carole, afin de permettre aux motards de s’adonner à leur passion en toute sécurité. Jusque-là, ils se réunissaient essentiellement à Rungis. Carole est la dernière victime des runs organisés sans aucune mesure de sécurité.

En outre, force est de constater que la loi n’est pas utilisée conformément à la volonté du législateur. Initialement, le souhait était de sanctionner des manœuvres dangereuses et répétées. Or, en pratique, de nombreux motards et automobilistes se retrouvent convoqués en justice suite à la réalisation d’une unique accélération. Parfois, lors d’un rassemblement entre passionnés. Parfois même, lors d’un simple départ un peu précipité après un feu rouge ou un stop. Tel n’est pas l’esprit de la loi.

Se défendre

Le plus souvent les justiciables sont convoqués dans le cadre de procédures simplifiées (composition pénale, ordonnance pénale) et la restitution du véhicule est alors conditionnée à l’acceptation d’une suspension du permis de conduire de plusieurs mois.

Selon nous, si l’infraction n’est pas caractérisée (pas de répétition des manœuvres dangereuses), il convient de refuser la peine proposée. Nous vous encourageons à faire valoir vos droits devant le tribunal correctionnel et ne pas vous laisser impressionner par la crainte d’une immobilisation trop longue de votre véhicule.

En cas de relaxe (déclaré non coupable), vous éviterez toute sanction, le véhicule vous sera restitué et l’Etat devra vous rembourser les frais de fourrière. Précisément, cela signifie aucune perte de point, aucune suspension, aucune amende.

Pour votre parfaite information, en cas de détérioration du véhicule trop longuement immobilisé, une action en responsabilité contre l’Etat est parfaitement possible.

Enfin, en l’absence d’une convocation rapide en justice, il peut être opportun de transmettre une requête en restitution au Tribunal. Toutefois, certains Procureurs de la république refusent de traiter de telles demandes. Il faut en avoir conscience, faire confiance à son avocat et s’armer de patience.

En cas de besoin notre cabinet reste à votre disposition pour faire valoir vos droits.

Mathis Cholé – Etudiant à l’Université de Nantes 

Arnaud BERNARDAvocat – Responsable des pôles droit routier et droit administratif