Conduite sous stupéfiants : vice de procédure
Le 25 janvier 2023, la Cour de cassation a donné gain de cause à notre client pour conduite sous stupéfiants en annulant l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes. Explications.
Les faits
Notre client a fait l’objet d’un contrôle routier et a été soumis à un dépistage salivaire qui s’est révélé positif au cannabis.
Dès lors, il a fait l’objet d’un prélèvement salivaire, en vue d’un contrôle par un laboratoire agréé.
La particularité tient à ce que le prélèvement n’a pas été effectué par l’automobiliste mais par un agent des forces de l’ordre.
La règle de droit
Attention ! C’est un peu technique.
La loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a opté pour l’utilisation du prélèvement salivaire de contrôle au bord des routes.
Puis, après la publication du décret d’application, un arrêté technique de mise en œuvre de ces contrôles est paru au journal officiel.
Il renvoie à un arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur ainsi que du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Ledit arrêté dispose que :
« Le prélèvement doit être effectué par le conducteur lui-même, sous le contrôle de l’officier ou l’agent de police judiciaire. »
Le 12 mars 2020, Monsieur Marc DEVEAU, expert Cour d’appel de Paris et agréé par la Cour de cassation, rappelait cette exigence lors de son intervention dans le cadre de la commission droit routier du barreau de Paris.
Définitivement, le prélèvement doit être effectué par le conducteur lui-même.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes
Dans le cadre de l’audience devant la Cour d’appel de Rennes, notre cabinet a soulevé des moyens de nullité relatifs au prélèvement salivaire.
Le 1er juin 2022, la Cour d’appel de Rennes a rendu sa décision. Précisément, elle a fait droit aux conclusions de nullité et a annulé le procès-verbal de dépistage salivaire.
Cependant, elle n’en a pas tiré toutes les conséquences et a condamné notre client.
C’est la raison pour laquelle notre client a formé un pourvoi en cassation.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation
Dans le cadre de l’argumentaire transmis à la Cour de cassation, il a été rappelé que l’annulation d’un acte peut s’étendre aux actes subséquents lorsque l’acte annulé en est le support nécessaire.
Or, le prélèvement salivaire est l’acte support aux analyses.
Ainsi, en statuant favorablement sur les nullités, le magistrat aurait dû en tirer toutes les conséquences et annuler l’ensemble des actes subséquents.
Par conséquent, les analyses fondées sur le prélèvement auraient dû être annulées.
La Cour de cassation a donné raison à notre client (pour conduite sous stupéfiants) en annulant l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes.
La Cour de cassation juge :
« Réponse de la Cour
6. Les moyens sont réunis. Vu les articles 174 et 593 du code de procédure pénale :
7. Il résulte du premier de ces textes que, lorsque la cour d’appel constate la nullité d’un acte de la procédure, doivent être annulées par voie de conséquence les pièces qui ont pour support nécessaire l’acte vicié.
8. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour déclarer le prévenu coupable de conduite après usage de stupéfiants, l’arrêt attaqué, après avoir annulé l’opération de dépistage salivaire, retient que des éléments probatoires résultant des résultats positifs à la détection de cannabis de l’analyse du prélèvement salivaire
démontrent que le conducteur du véhicule a commis l’infraction de conduite sous stupéfiants en ayant fait usage de substances stupéfiantes.
10. En déduisant ainsi la culpabilité du prévenu du résultat d’une opération de dépistage salivaire qu’elle avait annulée, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
11. La cassation est par conséquent encourue. »
Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 janvier 2023, n°22-83.804
L’affaire sera ainsi rejugée par la Cour d’appel de Rennes qui devra tirer toutes les conséquences de l’annulation du procès-verbal de dépistage salivaire.
En conclusion
Retenons que le prélèvement salivaire doit être effectué par l’automobiliste ou le motard, mais en aucun cas par l’agent des forces de l’ordre.
A défaut, le procès-verbal est nul et ne peut fonder une condamnation. Très concrètement, le justiciable doit être renvoyé des fins de la poursuite, c’est-à-dire déclaré non coupable.
Naturellement, notre Cabinet se tient à votre disposition.