Viol et soumission chimique : la question de la preuve

 In Droit pénal

Dans un arrêt de non-lieu très intéressant que nous venons d’obtenir devant la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de RENNES, la question de la soumission chimique était au cœur des débats (Cour d’Appel RENNES 05/04/2024- n°2023/00897).

Les faits

Il s’agissait dans notre cas d’un homme poursuivi pour avoir commis un viol et s’être rendu complice d’un second par l’effet de l’administration de substance chimique. 

Si son implication dans les premiers faits a vite été écartée en l’absence de tout élément matériel, ce dernier s’est vu renvoyé par le Juge d’Instruction devant la Cour Criminel départementale pour les seconds où la matérialité du rapport n’était pas contestée.

Il s’avère pourtant  que la soumission chimique invoquée par la partie civile n’avait pas été démontrée mais le Juge d’Instruction avait finalement retenu une contrainte sans en faire de réelle démonstration.

La question juridique

La principale question qui était posée à la Chambre de l’Instruction était de savoir si l’absence de consentement allégué par la plaignante du fait de la prise de substance à son insu pouvait malgré tout être retenu alors que la preuve de cet élément faisait défaut. 

La question secondaire était de savoir si le dossier démontrait malgré tout une absence de consentement que le mis en cause aurait dû percevoir. 

La réponse de la Cour

Sur la question de la soumission chimique, la Cour pose le principe selon lequel celle-ci doit être prouvée et non simplement alléguée pour être retenue. 

Tout autre solution aurait d’ailleurs été contraire aux principes de notre positif qui exige une démonstration sur le plan probatoire. 

D’ailleurs, la Cour ne se contente pas d’écarter l’absence de prise de toxique du seul fait d’une expertise capillaire négative, elle relève également que l’état d’inconscience allégué par la plaignante peut trouver sa source dans d’autres explications telle que le prise d’alcool – volontaire cette fois. 

En outre et pour ne pas s’arrêter à ce seul constat, la Cour fait un rappel important : la question du discernement suppose tout autant de s’interroger sur le ressenti du ou de la plaignante que sur la perception que le mis en cause aurait dû avoir de l’état de conscience de son/sa partenaire.

En l’espèce, la Cour énonce clairement, en écartant chacun des éléments moraux de l’infraction de viol :

« il ne ressort pas de l’information que celui-ci ait pu percevoir l’état inhabituel de la plaignante et qu’il ait usé de la surprise ou de la contrainte pour parvenir à la relation sexuelle, sachant qu’aucune violence n’est par ailleurs décrite ». 

Elle infirme donc la décision du Juge d’Instruction et conclut au non-lieu en faveur de notre client. 

L’analyse

Cette décision parfaitement conforme au droit vient en écho aux débats actuels sur la notion de consentement et son intégration au code pénal.

Pour rappel, une proposition de loi a été déposée pour modifier l’incrimination de viol et agression sexuelle en disposant que ces infractions seront constituées dès lors qu’elles seront commises « sans consentement donné volontairement ». 

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2170_proposition-loi

Le texte précise que « l’expression du consentement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes doit donc être recherchée. Le consentement ne peut pas être déduit de la simple absence de résistance de la victime. »

Si cette modification qui suscite à ce jour des débats idéologiques importants avec des partisans et des opposants tant dans la Magistrature que dans le Barreau, peut être perçue comme un impératif absolu, notre cas d’espèce illustre la complexité d’appréhender ce type de faits quels que soient les outils juridiques. 

Avec ou sans réforme, il reste que le droit pénal est le royaume de la preuve et que « la violation du consentement » aujourd’hui ou « l’expression du consentement » demain devront faire l’objet d’une discussion et bien souvent d’une interprétation par les juges. 

La solution ici retenue nous semble donc raisonnable et justifiée au regard des éléments de contexte pris en compte pour apprécier la réalité concrète d’un évènement qui doit ou non intégrer le champ pénal et être soumis à une éventuelle répression.

N’hésitez pas à prendre contact avec notre cabinet pour être conseillé(e).

Morgan LORETAvocat associé. Spécialiste en droit pénal. Responsable du pôle droit pénal

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