Validation des arrêtés anti-pesticides
Le 8 novembre 2019, le juge des référés de Cergy-Pontoise a rejeté les recours du préfet des Hauts-de-Seine contre les arrêtés des maires de Sceaux et de Gennevilliers interdisant l’utilisation du glyphosate et des pesticides. Le juge administratif a ainsi constaté la légalité des arrêtés anti-pesticides.
Analyse de ces deux décisions :
I. Les faits
Par un arrêté du 20 mai 2019, le maire de Sceaux a interdit l’utilisation du glyphosate et d’autres substances chimiques sur le territoire de sa commune.
Puis, par un arrêté du 13 juin 2019, le maire de Gennevilliers a interdit l’utilisation de pesticides pour l’entretien de certains espaces de son territoire.
Le 8 octobre 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a contesté les deux arrêtés auprès du tribunal administratif.
Il soutenait que le maire avait excédé ses pouvoirs car seul les ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation ont compétence pour réglementer l’usage des produits phytopharmaceutiques.
Le préfet ajoutait qu’il « n’existe pas de carence définitive de l’Etat en matière de protection des personnes ; aucune étude n’établit de péril imminent pour la santé des populations qui pourrait justifier que le maire se substitue en urgence à l’Etat. »
Le 8 novembre 2019, le juge des référés a rejeté la demande du préfet tendant à la suspension en urgence des deux arrêtés et par conséquence, constaté la légalité des arrêtés anti-pesticides.
II. Le raisonnement du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Classiquement, le juge des référés a la possibilité de rejeter un recours en expliquant qu’il n’y a pas d’urgence à trancher le litige. L’affaire est alors confiée au tribunal dans sa formation collégiale qui statue ultérieurement. Il s’agit d’une pratique courante lorsque le sujet fait polémique.
Toutefois, en l’espèce, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait preuve d’une certaine audace en se prononçant sur le fond de l’affaire. Il a rejeté les recours du préfet des Hauts-de-Seine en estimant que les arguments invoqués « ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté. ». En d’autres termes, le juge des référés a considéré que les arrêtés pris les maires de Sceaux et de Gennevilliers étaient légaux.
Précisément, le juge a commencé par rappeler le principe de compétence du ministre et l’exception au profit du maire en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières.
« 8. Il résulte des dispositions précitées que la police spéciale relative à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques a été attribuée au ministre de l’agriculture. S’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale qu’en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières. »
Puis, le juge des référés a détaillé les situations particulières des deux communes défenderesses et considéré qu’en l’espèce, les pesticides en cause constituent un danger grave pour les populations exposées.
« Dans ces conditions, eu égard à la présomption suffisamment établie de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des produits que l’arrêté attaqué interdit sur le territoire de la commune de Gennevilliers et en l’absence de mesures réglementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale, le maire de cette commune a pu à bon droit considérer que les habitants de celle-ci étaient exposés à un danger grave, justifiant qu’il prescrive les mesures contestées, en vertu des articles L. 2212-1, L. 2212-2 et L. 2212-4 précités du code général des collectivités territoriales, et ce alors même que l’organisation d’une police spéciale relative aux produits concernés a pour objet de garantir une cohérence au niveau national des décisions prises, dans un contexte où les connaissances et expertises scientifiques sont désormais largement diffusées et accessibles. »
Le juge estime que le danger grave résulte d’une part, de la dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des pesticides en cause et d’autre part, de l’absence de mesures règlementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale.
Ainsi, le juge des référés se fonde sur la carence des ministres pour valider l’intervention des maires et constaté la légalité des arrêtés anti-pesticides.
III. La portée des deux décisions rendues par le juge des référés
Indubitablement, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a été audacieux. Jusqu’à présent, les arrêtés anti pesticides avaient été annulés par les juridictions administratives.
Dans ces conditions, il paraît complexe d’anticiper la position qu’adopteront les 42 tribunaux administratifs français.
En outre, les décisions rendues par le magistrat francilien feront probablement l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.
S’il existe un risque d’annulation des décisions rendues, la saisine de la plus haute juridiction française pourrait permettre de presser les pouvoirs publics à légiférer.
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Liens vers les deux décisions rendues par le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise :