Code PIN : refuser de le donner n’est pas puni si téléphone n’a pas été utilisé pour commettre un crime ou un délit
Voilà en substance ce que le Tribunal Correctionnel de VANNES a rappelé à l’occasion d’un procès où notre Cabinet assistait un prévenu. Refuser de remettre le code PIN de son téléphone n’est pas nécessairement une infraction.
En l’espèce, interpellé en possession de produits stupéfiants, un jeune homme était interpellé et placé en garde à vue.
Interpellé pour trafic de stupéfiants, il refuse de donner son code PIN
Au cours de celle-ci, il contestait les faits de trafic de stupéfiants et refusait de fournir le code PIN de son téléphone (smartphone classique).
Poursuivi sur le fondement de l’article 434-15-2 du code pénal pour ce refus, il était finalement relaxé suivant jugement en date du 06 septembre 2019.
Que dit la loi ?
Créé par la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, l’article 434-15-2 du code pénal dispose :
« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 270 000 € d’amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.
Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 450 000 € d’amende. »
Ainsi, s’agissant du code PIN d’un téléphone, trois questions se posent :
- Est-ce une convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie ?
- Le téléphone a-t-il servi à préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit ?
- Y-a- t-il eu des réquisitions prises pour la remise de ce code
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Le Tribunal pour le refus de remettre son code PIN
En préambule, notons que le Conseil Constitutionnel a validé le principe de l’incrimination du refus de fournir un code lorsque’il porte sur le déchiffrement des données cryptées (fichiers informatiques par exemple).
Précisons également que depuis un arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 16 avril 2019 (non frappé de pourvoi par le Ministère Public), le code de déverrouillage d’un téléphone portable « d’usage courant » ne semble pas constituer pas une convention secrète d’un moyen de cryptologie.
Toutefois, la Chambre criminelle n’ayant pas encore eu l’occasion de statuer précisément sur ce point, la jurisprudence n’est à ce jour pas encore clairement définie.
En l’espèce, ce n’est pas sur ce terrain que le Tribunal Correctionnel va raisonner (sans doute dans un souci de précaution et pour éviter de créer un précédent au sein de la juridiction).
Pas d’obligation de remettre son code PIN si le téléphone n’a pas servi à commettre une infraction
En effet, le Tribunal va s’intéresser aux circonstances qui ont amené les enquêteurs à solliciter la communication du précieux code.
Et de constater d’une part qu’aucune réquisition n’a été adressée par le parquet pour l’obtenir mais que cela relevait de la seule initiative des policiers (solution conforme à l’arrêt de la Cour d’Appel de PARIS).
D’autre part, et c’est là tout l’intérêt du jugement, de relever que le téléphone de l’intéressé ne pouvait être rattaché à la préparation, la facilitation ou la commission d’un crime ou un délit.
La décision est particulièrement intéressante puisqu’elle revient aux fondamentaux du texte et s’attache à rechercher si les éléments matériels de l’infraction sont réunis.
En l’espèce, conformément à l’argumentation proposée par la défense, le Tribunal relève que rien dans la procédure ne permet de faire un lien entre l’utilisation du téléphone et un acte délictuel ou criminel susceptible d’être reproché au prévenu.
Singulièrement quant à l’infraction à la législation sur les stupéfiants qui lui était aussi reprochée, le Tribunal relève que l’offre ou la cession n’en faisait pas partie, qu’aucun client n’a été identifié, qu’aucun contact téléphonique n’a été mis en lumière entre la ligne téléphonique du prévenu (qui elle était connue) et celle de personnes susceptibles d’avoir été ses fournisseurs ou clients.
En somme, la juridiction constate qu’il n’existe aucun indice permettant de penser que le prévenu a utilisé son portable pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou délit et notamment celui qui lui vaut par ailleurs de comparaître.
Ce raisonnement doit être approuvé dans la mesure où il s’agit d’une application rigoureuse de la loi pénale, fidèle à la lettre du texte et rappelant en tant que de besoin que la loi pénale est d’interprétation stricte.
Morgan LORET – Avocat Associé, Spécialiste en Droit Pénal