L’infraction d’outrage par écrit et l’injure

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A l’occasion d’une audience devant le Tribunal Correctionnel de SAINT-NAZAIRE, notre Cabinet défendait un justiciable prévenu d’avoir commis l’infraction d’outrage par écrits de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à la fonction de fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice de leurs fonctions, en l’espèce en ayant écrit des propos désobligeants à leur encontre sur un forum. La défense de notre client s’est concentrée sur les règles spécifiques qui gouvernent l’infraction d’outrage contre une personne chargée d’une mission de service public ou dépositaire de l’autorité publique lorsqu’il est commis par écrit et sur ses différences avec l’infraction d’injure, plus favorable au prévenu en raison notamment de sa prescription courte.

La définition de l’infraction d’outrage

L’article 433-5 du code pénal dispose :

« Constituent un outrage puni de 7 500 euros d’amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.

Lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique, l’outrage est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Lorsqu’il est adressé à une personne chargée d’une mission de service public et que les faits ont été commis à l’intérieur d’un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l’occasion des entrées ou sorties des élèves, aux abords d’un tel établissement, l’outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Lorsqu’il est commis en réunion, l’outrage prévu au premier alinéa est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, et l’outrage prévu au deuxième alinéa est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

La spécificité de l’outrage par écrit

L’outrage par écrit se signale d’une part, par son caractère non public et d’autre part doit être « adressé » à la personne visée.

La jurisprudence s’attarde notamment sur le vecteur utilisé pour transmettre le message.

Ainsi, le mail adressé à un ensemble de personnes mais visant spécifiquement un ou deux interlocuteurs que l’auteur sait toucher par son propos ne revêt pas de caractère public et relève de la qualification d’outrage.

Il en va différemment du tag ou de l’inscription, de même que pour le commentaire lorsque, comme dans notre cas, il a vocation à être lu par le plus grand nombre.

S’agissant de la personne visée, il est classiquement exigé que l’outrage lui soit personnellement adressé.

La distinction entre l’outrage par écrit et l’injure

L’injure, commise à l’occasion d’un écrit, se signale par son caractère public.

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure :

« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »

L’article 23 de loi du 29 juillet 1881 précise les moyens de diffusion au public :

« les écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique »

Dès lors, la publicité du contenu joue un rôle prépondérant dans le choix de la qualification et permet de distinguer l’injure de m’outrage :

« Les expressions diffamatoires ou injurieuses proférées publiquement par l’un des moyens énoncés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, contre un magistrat de l’ordre administratif ou judiciaire à raison de ses fonctions ou à l’occasion de leur exercice, sans être directement adressées à l’intéressé, n’entrent pas dans les prévisions de l’article 434-24 du code pénal incriminant l’outrage à magistrat, et ne peuvent être poursuivies et réprimées que sur le fondement des articles 31 et 33 de ladite loi. »

Cass. crim., 01er mars 2016, n°15-82.824  

La différence est essentielle car, comme nous allons le voir pour l’injure, elle emporte des règles différentes tant sur la peine (pas d’emprisonnement encouru) que sur la prescription qui est bien plus courte.

Des différences majeures tenant à la peine et à la prescription

La différence entre l’injure et l’outrage et particulièrement intéressante puisque d’une part s’agissant de la répression l’injure publique commise à l’encontre d’une personne chargée d’une mission de service public ou dépositaire de l’autorité publique est puni d’une amende de 12.000 €, tandis que l’outrage est réprimé, selon les situations, soit d’une peine d’amende de 7.500 €, soit d’un an de prison et 15.000 €, soit de six mois d’emprisonnement et de 30.000 € d’amende.

D’autre part s’agissant de la prescription, selon l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, les actions publiques et civiles des crimes, délits et contraventions se prescrivent « après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ».

Le choix de qualification est donc extrêmement important car il suppose que les poursuites engagées sur le terrain de l’outrage (prescription de droit commun de 6 ans) en lieu et place de l’injure (prescription du droit de la presse de 3 mois) risquent de se trouver prescrites.

Et si la juridiction saisie de constate que les faits qui lui sont déférée ne le sont pas sous la bonne qualification, elle doit opérer une requalification et alors se pencher sur la question de la prescription.

En pratique, compte tenu des délais d’audiencement particulièrement longs, la prescription de 3 mois se trouvent quasi systématiquement acquise.

D’ailleurs la Cour d’Appel de DOUAI a déjà opéré ce raisonnement conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui l’a d’ailleurs récemment rappelé.

Voir sur ce point :

Cour d’Appel DOUAI 05.04.2006

Cass. crim., 7 déc. 2004, n° 04-81.162, Bull. crim., 2004 N° 306

Cass. crim., 15 novembre 2016, n°15-86.600)

Et dans notre espèce ?

Dans notre l’espèce, les propos à l’encontre des dépositaires de l’autorité publique avaient été tenus sur un forum public, accessible facilement.

Selon les constatations des enquêteurs, les termes litigieux apparaissaient dans le premier sujet de discussion présenté sur le site internet.

La publicité des propos incriminés ne faisait ici donc aucun débat et ce caractère public faisait perdre aux faits la qualification d’outrage au bénéfice de celle d’injure.

De même, la défense relevait que les propos ne visait pas expressément les plaignants, ces derniers n’étant ainsi pas identifiables.

Ainsi, du fait du contenu des propos et du mode opératoire (écrit ne visant personne expressément et public), les commentaires supposément attentatoires à la dignité de personnes dépositaires de l’autorité publique tenus sur un forum public devaient en réalité s’analyser sous l’angle de l’injure publique définie à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

Cette analyse juridique de la prévention reprochée au prévenu qui, d’outrage, devait se voir reprocher l’infraction d’injure, devait entrainer l’application des règles de prescription propres au droit de la presse et était en l’espèce acquise puisqu’il s’était notamment écoulé plus de 3 mois entre la citation et l’audience.

Reprenant à son compte cette argumentation proposée par la défense, le Tribunal Correctionnel nous donnait raison et constatait la prescription de l’action publique au bénéfice de notre client.

T.Cel St-Nazaire, 11.12.2020 – Jugement n° 1113/2020

 

Notons enfin que, saisi d’une QPC contestant l’existence de ces deux délits si peu différenciables sur le fond,  la décision n°2021-896 du Conseil Constitutionnel du 9 avril 2021 a confirmé la constitutionnalité des dispositifs répressifs applicables respectivement aux faits d’outrage et au délit de presse (injure mais aussi diffamation).

 

Votre avocat est à vos côtés, défendez-vous!

 

Morgan LORET – Avocat associé, spécialiste en droit pénal