La garde alternée pour les jeunes enfants

 In Droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine

Lors de la rupture d’un couple, qu’il soit marié, pacsé ou seulement concubin, se pose la question de la résidence des enfants, notamment de la garde alternée. Est-elle opportune pour des enfants âgés de moins de 6/7 ans ? Une séparation est traumatisante pour les enfants. Ils ont besoin d’être préservés et rassurés, de grandir dans un cadre serein et sécurisé.

 

La garde alternée n’est pas nécessairement le principe

Deux choix sont ouverts :

 

  • La résidence exclusive au domicile de la mère ou du père, avec un droit de visite et d’hébergement au profit de l’autre parent ;

 

  • La résidence alternée qui classiquement se résume à une semaine sur deux, et la moitié des vacances scolaires avec chacun des parents. Le découpage peut se faire d’une autre façon, dans la mesure où il reste conforme à l’intérêt de l’enfant.

Les jeunes enfants ne sont pas en mesure de savoir chez quel parent ils ont envie de vivre, ou à quelle fréquence ils souhaitent voir leur mère et/ou leur père. Une décision doit donc être prise pour eux.

Alors que beaucoup de parents pensent que le principe est la résidence alternée, la réalité en est toute autre. C’est l’intérêt de l’enfant qui prime sur toute considération et qui doit guider les parents dans leur choix. En effet, la décision résulte de l’exercice de l’autorité parentale. Elle doit donc en principe, être prise conjointement.

 

Ce qui prime, c’est l’intérêt de l’enfant

Toutefois, lorsque les parents n’arrivent pas à s’accorder, c’est au juge aux affaires familiales que revient la délicate mission de trancher sur la résidence des enfants. Il va examiner différents paramètres pour approuver un mode de résidence qui serait plus respectueux de l’intérêt de l’enfant qu’un autre. Ces critères se retrouvent à l’article 373-2-11 du Code Civil :

1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ;

2° Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 ;

3° L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre ;

4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant ;

5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 ;

6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.

Lorsque le juge prend sa décision, il n’a qu’un seul objectif : préserver et garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens entre l’enfant et ses deux parents.

Par exemple, le premier critère retenu est celui de la pratique. Alors, si les parents exercent une résidence exclusive au domicile de la mère ou du père depuis leur séparation et pendant un certain temps, modifier ce mode de garde alternée pourrait générer un bouleversement dans la vie de l’enfant, ce qui n’est pas dans son intérêt.

Également, si les deux parents sont en conflit permanent et n’arrivent pas à communiquer, une résidence alternée serait difficilement souhaitable.

 

La garde alternée : danger pour les jeunes enfants ?

La résidence alternée ne constitue pas un principe. D’ailleurs, certaines études ont démontré les risques de ce choix sur l’enfant.

Concernant les plus petits de moins de 3 ans, il y a trois impératifs absolus pour ne pas déstabiliser leur bon développement : la continuité, la cohérence et un personnage de référence (père ou mère).  Selon des pédopsychiatres, ils ont besoin d’une figure d’attachement sécurisante. Cela ne signifie pas qu’ils aiment un parent plus que l’autre mais plutôt qu’ils ont besoin d’un parent qui soit plus fixe, plus stable.

L’enfant est très sensible à la discontinuité. Une modification régulière des repères est préjudiciable pour les tous petits. Le changement de maison et de fréquentation du personnage de référence renforce leur angoisse et contribue à une perte de confiance envers leurs parents. La continuité des personnes ainsi que des lieux est un besoin fondamental. C’est d’autant plus le cas pour les enfants âgés de moins de 4 ans. Les nombreux allers-retours sont très perturbants. Les médecins ne parviennent pas à traiter les pathologies créées chez ces plus jeunes. En effet, bien qu’ils comprennent leur mal-être, la situation ne change pas pour autant. C’est comme s’ils compatissaient à la douleur mais sans trouver de remède.

Les professionnels de la santé alertent sur les risques de troubles relatifs à la résidence alternée chez les enfants âgés de moins de 6 ans (angoisse de l’abandon, sentiment d’insécurité, dépression, trouble du sommeil, perte de confiance, phobie scolaire…). En effet, ils ont besoin de stabilité. Or, la résidence alternée leur procure un sentiment de perte répétée des personnes et des lieux. Il s’agit d’une forme de traumatisme pour ces enfants.

 

La garde alternée préjudiciable pour les plus jeunes enfants ?

Enfin, il a également été soutenu qu’une résidence alternée, même décidée de manière consensuelle, reste préjudiciable pour les plus jeunes enfants. Il y a un véritable risque sur leur développement affectif. C’est la raison pour laquelle différents pays, tel que le Danemark en 2012, ont légiféré afin que ce mode alterné ne puisse plus être imposé judiciairement à des enfants de moins de six ans.  L’Italie n’exerce pas non plus ce type de résidence chez les tous petits. De la même façon, les magistrats Suisses sont généralement opposés à cette pratique.

Les professionnels de l’enfance s’accordent à dire que la résidence alternée est néfaste pour les moins de six ans, mais également pour les plus de six ans, et notamment en cas de conflit entre les parents.

 

La résidence exclusive : une coparentalité effective 

La fixation de la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère ou du père n’est pas synonyme de coparentalité exclusive. Bien au contraire, le second parent peut entièrement exercer son rôle dans le cadre de son droit de visite et d’hébergement de façon à entretenir des liens étroits avec les enfants. De plus, selon l’âge des enfants, le droit de visite et d’hébergement a vocation à évoluer. Par exemple, un bébé allaité dont la résidence est fixée chez la mère, pourra bénéficier de temps plus longs avec son autre parent une fois que l’allaitement aura pris fin.

Les études ont prouvé qu’il ne s’agit pas de la quantité qui compte, mais bien de la qualité du temps passé avec les enfants. Ce n’est pas de voir plus souvent le père que la relation sera meilleure. C’est plutôt le schéma inverse qui se dessine. Plus le temps passé ensemble sera de qualité, et plus les enfants auront envie de voir leur père.

Les professionnels de la santé insistent sur l’importance de la présence des deux figures parentales. En effet, les deux parents représentent deux sources de contrôle et la différence de regard porté sur l’enfant lui permet d’accéder à un certain équilibre.

Ainsi, il ne faut pas voir la résidence exclusive au domicile de l’un comme privant l’autre de ses enfants ni l’excluant des décisions à prendre qui résultent de l’autorité parentale. En effet, les deux parents doivent prendre conjointement les décisions importantes concernant les enfants.

 

Qui décide de la résidence alternée ?

En définitive, le choix d’une résidence alternée peut résulter soit :

 

  • D’un commun accord, nécessitant l’homologation du juge aux affaires familiales pour anticiper des éventuels différends par la suite. Il vérifiera le respect des critères posés à l’article 373-2-11 du Code civil.
  • D’une décision du juge, s’il estime ce mode de résidence conforme à l’intérêt de l’enfant.

Les parents doivent garder à l’esprit que la résidence de l’enfant doit permettre de lui offrir le meilleur cadre possible afin qu’il puisse s’épanouir et grandir sereinement.

 

Un choix à effectuer, la nécessité d’être conseillé

Un mode de garde alternée ne semble pas adapté aux plus petits qui ont besoin de stabilité ainsi que de repères fixes et constants. Les professionnels de la santé ainsi que de l’enfance ne recommandent pas ce système qui préjudicie le bon développement de l’enfant. La résidence exclusive au domicile de l’un des parents est donc à préconiser pour ces très jeunes enfants. Pour autant, le second parent ne saurait être mis de côté. En effet, il est en mesure d’assurer entièrement son rôle dans le cadre d’un droit de visite et d’hébergement évolutif et de prendre toutes les décisions importantes relatives à l’enfant par l’exercice de l’autorité parentale qui appartient aux deux parents.

Néanmoins, dans certaines situations, la résidence alternée reste préférable même chez de jeunes enfants. Les circonstances particulières empêchent d’adopter un avis un avis ferme et définitif sur la question.  Il faut appréhender les situations avec délicatesse et discernement et rester à l’écoute.

Il s’agit d’un choix important à réaliser. Les avocats vous apporteront tous les conseils nécessaires afin de vous orienter dans votre prise de décision et de manière amiable avec le second parent dans la mesure du possible. Si besoin, ils aideront le juge à prendre les bonnes décisions.

Amélie FERNANDEZ, étudiante en Master II Droit Processuel à l’Université de La Rochelle

Pascal LIMOUZIN, responsable du pôle droit de la famille au sein de AVOCATLANTIC

 

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